Parabole du fils prodigue

Encore une fois, le Christ est entouré de pharisiens et de scribes pour qui l’extérieur emporte sur l’intime (« Les pharisiens et les scribes murmuraient en disant : Cet homme accueille les gens de mauvaise vie et il mange à leur table [1]»).
Le Seigneur leur parle d’abord d’une brebis perdue, pour laquelle un homme laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres. Le Christ fait appel à leur miséricorde, disant que la majorité des brebis (les pharisiens) et les brebis perdues (les pécheurs) forment toutes un seul troupeau[2]. Lorsque la brebis perdue est retournée au bercail, alors le Ciel se réjouit[3].

La parabole de la brebis perdue est suivie de la parabole de la pièce de monnaie perdue. Leur signification se résume à une chose : Dieu aime tous ses enfants – aussi bien les « bons » que les « perdus ».   

Ces paraboles restent apparemment incomprises, c’est pourquoi le Christ dit directement : « Un certain homme avait deux fils » (Lc. 15 : 11).

L’histoire commence avec le plus jeune, qui demande à son père une partie de l’héritage. Il n’était possible de contracter les droits de succession qu’après le décès de parents. Autrement parlant, le plus jeune fils souhaite que son père meure le plus tôt possible. Il n’a pas besoin de son père. Il est convaincu qu’avec la même aisance et le même contentement avec lesquels il vivait dans la maison de son père, il vivra seul.    

« Un certain homme » représente un Dieu infiniment miséricordieux et aimant, alors que les deux fils représentent deux catégories de personnes : le fils aîné – les justes imaginaires, fiers de leur accomplissement constant des rituels extérieurs de la Loi de Moïse et des traditions des anciens ; le fils cadet – les pécheurs. 

« La part d’héritage » due à la fois au plus jeune et à l’aîné signifie l’image de Dieu imprimée sur nous lors de notre création (Gn. 1 : 27). Cette image, quels que soient nos efforts, ne peut être détruite. Elle demeure toujours en nous – pour notre gloire ou pour notre condamnation.

Le fils cadet gaspille la grâce divine – paternelle – qui était abondante dans la maison du Père. Il est privé de protection et reste seul. Il a faim. Faim d’amour paternel, qui ne peut être remplacé par la communication (communion) avec les cochons. 

« Alors il rentra en lui-même et se dit : Combien de gens aux gages de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim » (Lc. 15 : 17).

Il prend conscience de la profondeur de sa chute. Un repentir sincère lui vient, c’est-à-dire – l’envie de changer, de retourner dans la maison paternelle. Son cœur se remplit de pleurs purificateurs. Il est prêt à renoncer à lui-même, à son « je », à sa vie de jadis. Il décide de prendre sa croix (se repentir) et de suivre le Père, quel qu’en soit le prix (Mc. 8 : 34).   

« Comme il était encore loin, son père le vit et fut touché de compassion. Il courut se jeter à son cou et l’embrassa » (Lc. 15 : 20).

Au lieu de la condamnation attendue, le fils est accueilli avec loie et réjouissance, comme dans les paraboles précédentes de la brebis perdue et de la pièce de monnaie perdue.

Le repentir sincère et la joie spirituelle contrastent avec la méchanceté et la colère du fils aîné. Comme son frère, il passait tout son temps hors de la maison de son père (Lc. 15 : 25). Il avait sa propre idée du service : « Il y a tant d’années que je te sers sans t’avoir jamais désobéi » (Lc. 15 : 29). Il voit le sens de la vie dans la maison du Père dans l’accomplissement extérieure de la lettre des commandements, alors il ne comprend sincèrement pas pourquoi le Père n’a pas puni le fils prodigue selon cette lettre de la Loi. Au lieu de cela, le Père répond : « Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait bien faire la fête, car ton frère était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu, et le voici retrouvé » (Lc. 15 : 31-32).

Le Père court vers ses deux fils. Il les aime également, pleure et prie pour eux. D’une part, la parabole parle de l’inépuisabilité de l’amour Divin et, d’autre part, de l’amour mutuel[4]. Puisque cette parabole a été racontée aux pharisiens et à leurs semblables, le Christ, soulignant le manque d’amour, dit que si nous n’aimons pas les uns les autres, il serait alors impossible de connaître le Père. C’est pourquoi il ne s’agit pas là du fils prodigue, mais plutôt des fils prodigues. Le paradoxe spirituel est que « ce ne sont pas les bonnes pesonnes qui entrent dans le Royaume des Cieux, mais les pécheurs repentants [5]».

Saint Ambroise de Milan dit ceci à propos du sens de la parabole du fils prodigue : « l’Évangile nous commande d’être indulgents envers ceux dont les péchés ont été pardonnés après la repentance, de sorte que, par jalousie pour le pardon d’autrui, nous-mêmes ne perdions pas le pardon de Dieu [6]».


[1] Lc. 15 : 2.

[2] J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; il faut que Je les amène ; elles entendront Ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur » (Jn. 10 : 16).

[3] Ainsi, vous dis-Je, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. Lc. 15 : 10.

[4] Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres ; comme Je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres, que tous reconnaîtront que vous êtes Mes disciples (Jn. 13 : 34-35).

Quand je distribuerais tous mes biens pour l’entretien des pauvres, quand je livrerais mon corps au feu, si je n’ai pas d’amour, cela ne m’avance à rien (1 Cor. 13 : 3).

[5] Archiprêtre Dimitry Smirnov.

[6] Ambroise de Milan st. Exégèse de l’Évangile selon Luc. 7ème livre. Œuvres complètes. T.8., partie 2. Moscou, 2020. Pp. 261-263, paragr. 236.

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