Dimanche du publicain et du pharisien
« Ô Donateur de vie, ouvre-moi les portes de la repentance » – est le premier chant liturgique qui nous rappelle l’approche du Grand Carême.
Le Christ a raconté la parabole du publicain et du pharisien aux « certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres » (Lc. 18 : 9).
Cette parabole ne parle pas seulement de l’humilité, c’est-à-dire, du premier commandement des Béatitudes : « Bienheureux les pauvres en ésprit, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt. 5 : 3). Il s’agit là également de la prière – extérieure et intérieure. Il est écrit : « Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres… Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » (Lc. 18 : 11, 13).
Malheureusement, notre prière extérieure (ce que nous prononçons) ne correspond pas toujours à notre prière intérieure. Nous pouvons louer Dieu avec nos lèvres (c’était, très probablement, le cas du pharisien, qui, comme nous dirions à notre époque, parcourait d’yeux le nombre de prières quotidiennes), alors qu’à l’intérieur nous avons l’épsprit dispersé et nous « errons » de sujet en sujet, des souvenirs des affaires quotidiennes aux rumeurs – à tout ce dont nous ne parlerions jamais à voix haute.
Saint André de Crète dit dans son Grand Canon : « Répens-toi, ô mon âme, la porte du Royaume est déjà ouverte, et les premiers qui la franchissent sont les pharisiens, les publicains et les adultères repentants » (Mt. 21 : 31)[1].
La prière de « notre » pharisien (contrairement à celle du publicain) semble loin d’être la repentance. Ce qui est reproché au pharisien ce n’est pas son attitude scrupuleuse à l’égard du côté extérieur de la Loi, mais son enracinement dans la passion de l’orgueil. L’Eglise enseigne que l’orgueil est un début de tous les péchés, faisant allusion au détachement de Denitsa de l’armé angélique. Satan était si fier de sa primauté qu’il voulut prendre la place de Dieu. Tous les autres défauts proviennent de l’orgueil et, si on y regarde plus attentivement, tout péché, d’une manière ou d’une autre, trouve son origine dans l’orgueil.
L’orgueil s’exprime également dans la condamnation, c’est-à-dire, dans la conviction que je ne ferai jamais la même chose que les autres : « Je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain » (Lc. 18 : 11). Étant sûr de sa perfection spirituelle, le pharisien viole plus d’un commandement : il n’aime pas Dieu, parce qu’il condamne son prochain (Jn. 4 : 20) ; il prend le nom du Seigneur en vain, c’est-à-dire, il prie avec ses lèvres seulement, mais son cœur est loin de Créateur (Mt. 15 : 8). Le pharisien crée une idole et l’adore – admirant ses propres vertus ; il porte un faux témoignage contre son prochain, car, ne voyant pas le cœur sincère et repentant de son prochain, il le condamne uniquement pour le fait qu’il soit un collecteur d’impôts.
La semaine passée, nous avons vu les pharisiens – des gens qui accusaient le Christ pour avoir séjourné dans la maison du chef des publicains, Zachée (Lc. 19 : 7). Puritanisme, non-communication avec les pécheurs : comme tout cela est pertinent dans le milieu orthodoxe ! En faisant de même, nous oublions que le Christ n’est pas venu pour les bien portants, mais pour les malades (Mc. 2 : 14-17), c’est-à-dire – non pour ceux qui se considèrent en bonne santé (l’exemple de « notre » pharisien), mais pour tout le monde, car chacun de nous, d’un côté ou de l’autre, est malade.
Le Christ appelle Zachée à la repentance qui, en raison de sa petite taille, n’était pas visible parmi les grands pharisien (bien évidemment, cela ne veut pas dire la taille physique !) – tout comme notre publicain qui, « se tenant à distance », n’était pas visible (Lc. 18 : 13).
Beaucoup de gens pensent que le Christ condamne le pharisien. L’Evangile dit autrement : « Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre » (Lc. 18 : 14). Autrement dit, le pharisien était également justifié, or moins que le publicain. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le pharisien, qui accomplissait toutes les exigences de la Loi et semblait donc impeccablement pur, était justifié extérieurement – selon la Loi. Cependant, l’apôtre Paul parle de cette « justification » : « Nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi » (Gal. 2 : 16).
Pour résumer ses paroles, le Christ enseigne : « quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé » (Lc. 18 : 14). Dans d’autres endroits de l’Evangile, l’humiliation (Η Ταπείνωση) se traduit également par l’humilité. Ce mot grec implique la capacité et le désir d’une personne de regarder sa vie de manière claire, c’est-à-dire non pas avec ses yeux mais avec les yeux de Dieu. L’interprétation erronée de ce mot consiste en autoreproche, autoflagellation, imagination de soi-même pire que la personne soit réellement.
Dans ces paroles également, le Christ parle de la prière qui « doit être humble, c’est-à-dire accompagnée de la considération de sa complète pauvreté spirituelle et de l’espérance uniquement dans la miséricorde de Dieu, et non dans ses propres mérites »[2].
[1] Grand Canon du st. Andtré de Crète. 1ère semaine du Grand Carême, 9ème ode.
[2] Bogolepov D. Le guide de la lecture exégétique de quatre Evangiles et du livre des Actes des Apôtres. 5ème éd. Moscou, 1910, pp. 275-276.